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Voilier viking de type drakkar |
Ce n’est pas
d’hier que les boissons alcooliques suscitent de l’intérêt au Québec. La petite
histoire nous apprend que le Viking Leif
Eiriksson aurait visité l’Amérique du
Nord un peu avant l’an 1 000 à bord de son voilier de type drakkar. Il aurait
nommé Vinland (la terre des vignes), la région de l’Est de l’Amérique du Nord s’étendant
de Terre-Neuve jusqu’à la Nouvelle-Angleterre, en raison des nombreux plants de
vignes sauvages que l’on y trouvait. Jacques Cartier nomma pour sa part l’Île
d’Orléans « l’Isle de Bascus » car « y treuvasmes force
vignes » en septembre 1535.
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Brasserie Molson, Montréal |
La première tentative d’implanter une
brasserie à Québec revient aux Jésuites. Dès son ouverture en 1647, cette
production répond aux besoins de la communauté. Il faut attendre 1668-1669 pour
assister à la mise en place d’une brasserie industrielle à Québec par
l’Intendant Jean Talon. En 1786, John Molson (Molson Coors) fonde sa première brasserie
à Montréal. À la même époque et utilisant souvent la même matière première (malt d’orge), des brasseurs ouvrent des distilleries à Beauport, à
Trois-Rivières et à Montréal. La St-Roc Distillery fut d’ailleurs la première
distillerie créée à Québec en 1769. C’est
surtout au 19e siècle que l’industrie brassicole prend son envol, John Knight Boswell (Dow) ouvre sa brasserie à
Québec en 1844. Celle-ci sera acquise plus tard par Molson. D’autres brasseries
concurrencent les Molson. Mentionnons entre autres celle de John Kinder Labatt,
laquelle sera achetée par Interbrew en 1995.Le Québec crée
la Commission des liqueurs en 1921 et est la seule province à
légiférer à cette époque afin d’encadrer le commerce et l'approvisionnement de
l’alcool, ce qui fit alors du Québec un carrefour très important du marché des
spiritueux en territoire d’Amérique. Samuel Bronfman profite de l’occasion pour
fonder Distillers Corporation à Montréal en 1924. Celle-ci fusionne avec la
compagnie Seagram en 1928 et devient un géant dans l’industrie de l’alcool et
le plus grand distillateur au monde. Seagram appartient aujourd'hui notamment au groupe Pernod Ricard.
Les boissons
alcooliques artisanales
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Lever de soleil sur le vignoble Côtes d'Ardoise, Dunham |
Après l’échec
du cidre industriel dans les années 1970, dû essentiellement à des problèmes
d’image, principalement de qualité et de positionnement du produit, alors ministre
de l’Industrie, du Commerce et du Tourisme du Québec (MICT), Rodrigue Biron autorise en 1983 la production
artisanale de boissons alcooliques. Malgré les caprices du climat québécois et
des réserves de certains intervenants de l’époque, il réussit, grâce à sa
fougue et sa détermination, à convaincre le conseil des ministres sur les
avantages de cette production. Celle-ci englobait alors le vin, le cidre, la
bière, l’hydromel, les boissons à base de petits fruits et les mistelles (moût
de fruits fortifié avec de l’eau-de-vie). En 1982, le ministre Biron avait préalablement autorisé un projet-pilote de cinq vignobles, pour une durée de deux ans, afin
de s’assurer de la vivacité de la vigne au Québec. Il croyait vraiment dans le
développement de la petite entreprise ainsi que dans le développement régional
et touristique.
Afin
d’éviter les problèmes vécus par le cidre industriel, nous nous sommes inspirés, au Québec, des
pratiques utilisées en Ontario, en Californie et en Europe, particulièrement en
France, pour accompagner et encadrer (réglementer) la production artisanale de
boissons alcooliques. Nous avons priorisé au départ l’échange, la
concertation et le regroupement entre les différents intervenants
gouvernementaux et les producteurs-productrices, le tout sous la coordination du
MICT. Le producteur devait être reconnu comme producteur agricole, sauf pour la
bière. En matière de regroupement, nous favorisions l’implantation de quelques
producteurs dans une même région, dont Dunham pour les vignobles. Également, le
regroupement au sein d’association de producteurs permettait l’échange et le partage d’informations entre eux. Cette
pratique se poursuit toujours aujourd'hui, ce qui constitue l’une des forces des
producteurs québécois. Fort heureusement, des experts d’origine européenne,
dont quelques œnologues français, parmi les nouveaux producteurs, ont accepté de
partager leur savoir-faire avec leurs collègues.
Aujourd’hui,
près de mille producteurs-productrices détiennent un permis de production de
boissons alcooliques au Québec dont quelque 330 microbrasseries, 160 vignobles,
100 cidreries et 60 distilleries (la première micro-distillerie est apparue au Québec en 1999). Ils ont remporté plusieurs milliers de prix
et médailles dans des compétitions nationales et internationales. Certains ont
réussi à exporter leurs produits sur les marchés étrangers. Dunham est devenue
la capitale québécoise du vin.
Quelques coups de coeur
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Brasserie de Dunham, Dunham |
Voici
quelques-uns de nos coups de cœur pour découvrir ces producteurs-productrices
et goûter leurs produits: les microbrasseries Archibald et La Souche (région de Québec), Auval (Val d’Espoir), Charlevoix (Baie St-Paul), Dunham (Dunham), La Fabrique (Matane), McAuslan
(Montréal), Ras l’bock (Saint-Jean-Port-Joli) et St-Pancrace (Baie-Comeau); les vignobles Cep d’argent (Magog), Château Ste-Agnès (Sutton), Côtes d’ardoise, Orpailleur et Val Caudalies (Dunham), Marathonien
(Havelock), Chat botté et Vignes des Bachantes (Hemmingford), Rivière du Chêne (Saint-Eustache), Sainte-Pétronille, Saint-Pierre et Cassis Monna (île d’Orléans); les cidreries
du Minot (Hemmingford), Michel
Jodoin (Rougemont) et Clos Saragnat
(Frelighsburg) ainsi que les hydromelleries Ferme apicole Desrochers (Ferme-Neuve)
et Miellerie King (Kingsey Falls).
Au tournant des années 2 000, les premières micro-distilleries font leur apparition au Québec. Celles-ci produisent de très bons spiritueux (gins, vodkas, whiskys, rhums et acerums à base de sèvre d'érable) et liqueurs dont les distilleries Vice & Vertu (Saint-Augustin-de-Desmaures), Le Cartel des spiritueux (Bedford), Stadaconé (Québec) et Témiscouata (Auclair). Si vous êtes amateur de fins whiskys, il faut visiter et goûter aux excellents whiskys de Distillerie Côte des Saints (Mirabel).
Remerciements
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Feu Victor Dietrich en période de vendanges
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En plus de
monsieur Biron qui laisse un legs extraordinaire à la société québécoise, nous aimerions remercier les producteurs, productrices et leurs conjoint(e)s du début (1983-96) pour
leur vision, leur créativité et leur persévérance. Merci aussi aux experts d’origine
européenne et québécoise qui ont accepté de s'impliquer et de partager leur savoir-faire. Un merci particulier à feu Victor Dietrich du vignoble Dietrich-Jooss (maintenant fermé). Toujours dans le secteur du vin, merci à Charles-Henri de Coussergues (Orpailleur), Jean Joly (Marathonien), Étienne Héroux (Morou) et aux frères Jean-Paul et François Sieur (Le Cep d'argent); dans celui du cidre, merci à Robert Demoy (du Minot), Christian Barthomeuf (Clos Saragnat) et Michel Jodoin (Cidrerie Michel Jodoin); pour la bière, merci à Jérôme Catelli-Denys (Le Cheval blanc – Brasseurs RJ - GMT - Belle Gueule), Laura Urtnowski (Brasseurs du Nord - Boréale) et pour l'hydromel, merci aux frères Patrick et Stéphane Vanier (Les Saules). Enfin, ce projet de production artisanale de boissons alcooliques n'aurait pas connu un tel succès sans l'implication de trois proches collaborateurs et précieux complices du MICT: Claude, Marcel et Yvon, merci!
Notre souhait pour l'avenir serait que la
relève de nos pionniers producteurs et productrices puisse poursuivre la belle progression de
leurs prédécesseurs, toujours dans un contexte de concertation et d'entraide, et aussi qu’elle réussisse à accroître leurs parts de marché sur les marchés étrangers.
Jacques Ouimet, directeur responsable du développement de l’industrie des
boissons alcooliques, ministère de l’Industrie, du Commerce et du Tourisme du Québec (Développement
économique),1983-96.
N.B. : La revue REFLETS a publié cet article dans sa quasi-intégralité, en mars dernier, sous le titre "L'industrie des boissons alcooliques, un fleuron de l'économie québécoise en évolution".
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Vue du Vignoble Sainte-Pétronille, Île d'Orléans |
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