mercredi 9 juin 2021

Excursion vinicole à Dunham, région de Brome-Missisquoi (en rediffusion)

Vignoble Domaine des Côtes d'Ardoise, Dunham

La période de pandémie limitant nos voyages à l’étranger depuis le début de l’année 2020, voici un article publié en 2015 et récemment mis à jour, qui pourrait, peut-être, influencer votre choix de vacances pour l'été 2021. 

Le Québec compte maintenant (en 2015) plus d’une centaine de vignobles (150 en 2021) et on double ce décompte en ajoutant les autres permis de production artisanale : cidre, hydromel, petits fruits, érable et mistelle. De plus, quelque 350 brasseries détiennent un permis bière en 2021. Les vignobles sont situés en majorité dans la grande région de Montréal (sud et nord). Ils offrent généralement, à coût raisonnable, la dégustation de leurs produits et une visite guidée de leur établissement. Quelques rares vignobles disposent sur place, pour les plus curieux, d’un écomusée vitivinicole ou culturel. Qui au Québec ne connaît pas la région viticole de Brome-Missisquoi et le beau village de Dunham? Cette région située à une heure de route au sud-est de Montréal, est probablement la plus connue des amateurs de vins québécois et une des plus jolies. On y répertorie une vingtaine de vignobles dont neuf à Dunham, sans oublier l'excellente microbrasserie de Dunham.

Lors de nos séjours annuels au Festival de Jazz de Montréal, nous aimons beaucoup y ajouter une randonnée dans les vignobles de l’Estrie ou de la Montérégie. Cette année, nous avons choisi Dunham dans Brome-Missisquoi, une des régions les plus bucoliques du Québec avec ses paysages vallonnés. En consultant la carte virtuelle Route des vins de cette région, nous avons pu sélectionner puis visiter plusieurs vignobles et goûter leurs produits. Si vous êtes amateurs de vélo, vous pouvez aussi jumeler la carte de la Route des vins à celle de l’un des nombreux circuits de vélo de Brome-Missisquoi, également disponible sur le web. Advenant que vous ayez une petite fringale en cours de route, vous pourrez vous restaurer au vignoble, la plupart de ceux-ci offrent des aires de pique-nique et certains  disposent de services de restauration.

Les heures d’ouverture sont généralement de 10h00 à 17h00 de juin à octobre. Durant la période des vendanges qui coïncide avec celle de l’auto-cueillette des pommes, vous pourrez fusionner les deux activités et séjourner ainsi une nuit sur place, pour en profiter davantage! En plus des cerfs que vous pourriez parfois croiser sur votre chemin, il est très agréable de rencontrer et d’échanger avec nos vignerons artisans tout en dégustant leurs produits. Cette année, le plaisir était doublement au rendez-vous pour notre randonnée car nous nous y sommes rendus pendant la fin de semaine Portes ouvertes, gracieuseté des vignobles de Brome-Missisquoi (fin juin). Voici les trois vignobles coups de coeur de cette année (2015) à Dunham.

Val Caudalies 

Entrée du vignoble Val Caudalies, Dunham

Ce vignoble, avec une vue magnifique sur le mont Pinacle, a été fondé en 2005 par Guillaume Leroux, Alexis Perron et Julien Vaillancourt, trois amis d'enfance. Nous avons été épatés par l'accueil chaleureux à notre arrivée et aussi par la finesse de leurs produits. Nous avons beaucoup aimé le vin blanc Vidal 2014, vin demi-sec rappelant la limette. Également, le vin rosé sec composé des cépages Chambourcin, hybride d'origine française, de Chaunac, Maréchal Foch et Kay Gray, a retenu notre attention pour sa vivacité et son fruité (petits fruits rouges). Il faut aussi goûter au superbe vin blanc de vendanges tardives Vidal 2013 aux arômes de poire, d'abricot et de pêche. Val Caudalies produit par ailleurs un très bon cidre de glace au parfum et goût très agréable de caramel.   

Vignoble Château de Cartes, Dunham

Château de Cartes

Là encore, la finesse des produits de ce jeune vignoble est au rendez-vous. Nous avons eu plusieurs coups de cœur et notamment pour le vin blanc Saint-Pépin, qui est très fruité (muscat et agrumes), floral et vanillé (à cause du bois); le vin gris composé des cépages Radisson et Frontenac gris, est aussi très fruité (agrumes-pamplemousse et fruits des champs) et vif. Le mousseux rosé à base du cépage Sainte-Croix, élaboré selon la méthode traditionnelle, présente de fines bulles et un beau fruité (fraise), il est rond et très agréable en bouche. Enfin, le vin de vendanges tardives à base de Frontenac gris est un incontournable avec ses arômes de pêche et d’abricot. Il ne faut pas repartir de la propriété sans avoir dégusté le cidre de glace élaboré avec la pomme Golden Russet. Cette petite merveille s’est mérité une médaille d’or au concours des cidres du Québec en 2015. 

Vignoble de l'Orpailleur 

Entrée de Vignoble de L'Orpailleur, Dunham

Orpailleur, ce mot est une trouvaille de notre célèbre poète national Gilles Vigneault et signifie chercheur d’or. Il a été fondé en 1982 par deux Québécois : Frank Furtado et Pierre Rodrigue ainsi que par deux Français : Hervé Durand et Charles-Henri de Coussergues, qui s’est marié avec une Québécoise. Il est ainsi devenu un vrai Québécois parlant avec un léger et fort joli accent français! Il dirige maintenant l’Orpailleur à titre de président directeur général. Ce vignoble a fait partie des cinq pionniers à l’origine du projet pilote viticole de 1982 et 1983. L’objectif de ce projet biennal parrainé par le ministère Industrie et Commerce du Québec, visait à valider la viabilité de la culture de la vigne au Québec. La preuve étant faite après deux années d’expérimentation en termes de résistance de la vigne au gel et de qualité minimale du vin en résultant, les premiers permis de production artisanale de vin ont été émis pour la récolte de 1983.

L‘Orpailleur s’est orienté dès ses débuts vers la qualité et il n’a cessé d’innover depuis et de commercialiser des produits remarquables. Il est devenu l’un des vignobles phares au Québec, parmi les plus connus et reconnus pour ses vins de qualité. En fait, à chacune de nos visites à ce vignoble au cours des trente dernières années, nous avons toujours eu un coup de cœur à son endroit et pour l’ensemble de ses produits. Que ce soit l'Orpailleur Blanc, le Réserve, le mousseux, le rosé, le vin gris, le vin de glace, la Cuvée de Natashquan répertoriée dans la prestigieuse Cité du vin de Bordeaux, France, ou encore les deux mistelles l’Apérid’Or et la Part des Anges, nous sommes toujours emballés par ses produits. L’Orpailleur s’est d’ailleurs distingué au cours des années en méritant plus d’une centaine de médailles et de prix de reconnaissance nationaux et internationaux pour l’excellence de ses produits, dont la médaille Grand Or 2014 au concours Les Grands Vins du Québec. Enfin, on peut visiter son écomusée vinicole et manger une bouchée à son restaurant Tire-bouchon, cuisine de type bistrot.

Vignoble Léon Courville, Lac-Brome

Certes, ces trois vignobles coups de cœur de notre randonnée 2015 ne sont qu’une infime partie des vignobles québécois vraiment dignes de mention et qui méritent d’être visités. Mentionnons ici le vignoble Domaine des Côtes d’Ardoise et ses jardins à Dunham que nous aimons beaucoup. Aussi, dans les villages voisins en Estrie, Clos Saragnat à Frelighsburg, Léon Courville à Lac-Brome, Chapelle Ste-Agnès et Domaine Bresee à Sutton ainsi que Le Cep d'Argent à Magog valent le détour. En Montérégie, les vignobles Du  Marathonien à Havelock, Le Chat Botté et Les Vignes des Bachantes à Hemmingford, Les Petits Cailloux à St-Paul d'Abbotsford, Domaine De Lavoie à Rougemont, Le Mas des Patriotes à Saint-Jean-sur-le-Richelieu et Domaine Saint-Jacques à Saint-Jacques-le-Mineur sont des incontournables.  Dans la région de Québec, le Vignoble Sainte-Pétronille et Saint-Pierre le Vignoble (nouveau) à l’Île d’Orléans, font également partie de nos coups de coeur.

Hommage à un vigneron d’exception

Charles-Henri de Coussergues, Vignoble de l'Orpailleur

Nous sommes très fiers du chemin parcouru par les vignobles québécois au cours des trois dernières décennies en termes de qualité, de créativité et de renommée et nous aimerions ici rendre hommage à l’un des vignerons qui s’est illustré au Québec : Charles-Henri de Coussergues du Vignoble de l’Orpailleur. Son implication au sein de l’Orpailleur et des secteurs vitivinicole et de l'agrotourisme québécois est extraordinaire et a permis à plusieurs vignobles de s’en inspirer et de se démarquer. Il a toujours prôné l’importance de la créativité, de la qualité et de l’authenticité – typicité des produits auprès de ses collègues vignerons. Charles-Henri a été très présent sur toutes les tribunes ces dernières années, et particulièrement de 2007 à 2015 au cours desquelles il a accédé à la présidence de l’Association des vignerons du Québec (AVQ) (maintenant Conseil des vins québécois). Il a réussi à faire reconnaître, par voie réglementaire, l’authenticité du vin québécois. Les qualités de ce vigneron d’exception, avec une formation en œnologie (viticulture), sont multiples. Nous  tentons de les résumer en en énumérant cinq : humaniste, visionnaire, persévérant, communicateur et humble.

Humaniste dans le sens de gentleman, de grande écoute et de respect de l’autre ainsi que d’une grande générosité en termes de disponibilité et d’entraide auprès de ses collègues vignerons et de la relève. Toute personne qui le connaît et le côtoie sait qu’elle peut toujours compter sur lui pour un conseil, une aide ou pour tout appui visant à développer le vin québécois. Il fait toujours bonne impression auprès de ses interlocuteurs. Il dégage une aura suscitant l’authenticité, l’honnêteté intellectuelle, la sincérité et la confiance. Ses employés l’apprécient beaucoup. Une de ses employés nous a déjà affirmé d’ailleurs qu’il était le meilleur patron au monde, rien de moins!

Visionnaire en termes de flair pour détecter les grandes orientations, les tendances de marché et les habitudes de consommation des consommateurs. Il a su, avec ses associés, bien positionner son entreprise Vignoble de l’Orpailleur en matière commerciale et touristique. Toujours axé sur le principe de la qualité de ses produits, il a développé, à l’Orpailleur, une gamme de produits et une infrastructure d’accueil du tourisme exceptionnelles pouvant servir d’exemple au Québec. L’Orpailleur est ainsi devenu un chef de file, une inspiration au Québec. Par ailleurs, il a co-fondé en 1987, avec d’autres partenaires (dont l’exceptionnel et unique feu Victor Dietrich du Vignoble Dietrich-Jooss qui a fermé ses portes en 2004, après le décès de Victor), l’AVQ et la Noble Confrérie des vignerons du Québec. Cela lui a permis de rassembler les forces vives du milieu vinicole québécois d’une part et de faire connaître et de promouvoir le vin du Québec d’autre part. Il visait toujours par cette implication auprès de la communauté vinicole, à sensibiliser les autres vignerons à toute l’importance de la qualité et de l’authenticité du produit, ce qu’il a réussi avec grand brio.

Persévérant, ce qui est une qualité essentielle dans ce genre de nouveau projet très risqué et dont plusieurs mettaient en doute dans les années 1980 et même 1990. Il s’est montré patient, organisé et déterminé dans l’atteinte de ses objectifs corporatifs et collectifs. Il a affronté mer et marées et s’est battu pour le développement de son entreprise et du vin québécois dans son ensemble. Il a chaussé avec beaucoup de doigté et d’efficacité les très grands souliers de feu Victor Dietrich à la présidence de l’AVQ et a martelé toujours son même message axé sur la qualité et l’authenticité du produit. Sa grande détermination lui aura permis d’apporter une collaboration considérable au développement de certains dossiers dont la vente des vins québécois dans les succursales de la SAQ, dans le réseau de la restauration et dans celui des marchés publics notamment. Par sa persévérance et son approche humaine et généreuse, il aura collaboré à l’instauration graduelle au Québec d’un nouvel art de vivre, d’une nouvelle tradition axée sur le bon goût, soit la dégustation de vins typiquement québécois dans les vignobles.

Communicateur est une autre de ses forces qu’il a su développer avec le temps. Ce n’est pas celui qui parle le plus fort mais ses propos sont toujours pertinents et respectueux, d’où une écoute positive de la part de ses interlocuteurs. Il sait développer un argumentaire difficilement contestable. Il a ainsi réussi à convaincre ses associés en 2012 d’investir une somme importante (en terme de million$) pour construire un nouveau chais et une salle de réception magnifique avec vue en plongée sur les rangs de vignes du vignoble et cela, dans le but de mieux répondre aux besoins de la clientèle. À titre de président de l’AVQ, il a réussi à négocier et à faire approuver la nouvelle dénomination  « Vin du Québec certifié » par voie de réglementation ainsi qu’à obtenir un espace « Origine Québec » dans les succursales de la SAQ.

Humble, malgré toutes ses belles qualités et ses nombreuses réalisations, il reste toujours un homme humble. Il a même tendance à passer sous silence ses réalisations et à en donner le mérite à ses collaborateurs. Il est donc très apprécié de ces derniers, de ses collègues vignerons et de ses amis. En fait, tout le monde qui l’entoure l’estime et le respecte beaucoup pour son humilité, sa simplicité, sa gentillesse et, bien-sûr, pour son authenticité.

Nous tenons à remercier du fond du cœur ce vigneron d’exception pour TOUT, c’est-à-dire pour son grand enthousiasme, sa grande disponibilité et enfin son apport exceptionnel à la communauté vitivinicole québécoise. Il a eu un impact direct et très significatif sur la communauté vitivinicole et sur la qualité du vin québécois. Sans son implication assidue, les vins québécois et particulièrement les vins blancs, mousseux, de vendanges tardives et de glace, n’auraient pas atteint leur haut niveau de qualité actuel. Ces vins ont acquis leurs lettres de noblesse et sont maintenant en mesure de rivaliser avec les grands de la planète vinicole. À nos yeux, Charles-Henri est un grand vigneron d'exception!

Quelques petits trucs

À l'instar de Charles-Henri qui adore partager quelques trucs de vignerons avec ses collègues, nous aimerions aussi partager une ou deux habitudes que nous avons développées avec le temps. Lors de nos tournées de vignobles, nous achetons généralement au moins deux bouteilles des vins dégustés que nous avons préférés. Nous en dégustons un dans l'année qui suit et l'autre dans les deux années suivantes, et même trois années pour les meilleurs. Nous sommes ainsi en mesure de constater leur bonification dans le temps. Pour les vins de vendanges tardives et vins de glace, nous dégustons la deuxième bouteille dans les trois à cinq années qui suivent et même parfois jusqu'à dix années.

Également, nous n’hésitons pas à demander un crachoir dans les vignobles (et aussi dans les salons de vins) afin d’éviter d’avaler le vin et ainsi de mieux l’apprécier. Cela permet aussi de prendre le volant, le cas échéant, en sécurité! 

Anecdote


En 1985, lors d’une mission économique et éducative québécoise (pour en apprendre un peu plus sur les pratiques vitivinicoles et réglementaires françaises) au salon-exposition VINEXPO de Bordeaux, France, nous avions été invités à un souper de vignerons-œnologues dans un château bordelais. Cette invitation a été rendue possible grâce à Hervé Durand, un des quatre associés de l’Orpailleur qui est également vigneron-œnologue et propriétaire de Château des Tourelles - Mas des Tourelles, Beaucaire, Costières de Nîmes, France. Chaque participant au souper apportait un de ses meilleurs crus et l’offrait en dégustation aux autres participants. Hervé Durand avait apporté le vin blanc classique de l’Orpailleur et l’avait offert en dégustation à l’aveugle (étiquette cachée) en demandant aux dégustateurs de bien vouloir commenter le vin. Les commentaires furent très positifs, voire flatteurs pour un vin québécois produit avec des vignes âgées de moins de cinq ans (beau vin jeune, vin fin et vif, belle fraîcheur, vin de l’Europe de l’est…). Hervé Durand a alors dévoilé le nom et l’origine du vin, les vignerons oenologues sont restés bouche bée face à un tel vin produit dans un pays de glace, selon l’expression d’un participant!

Lorsque monsieur Rodrigue Biron, le ministre ayant autorisé le projet expérimental biennal sur les vignobles en 1982 et 1983, a quitté ses fonctions de ministre de l'Industrie et du Commerce quelques mois après ce fameux souper de vignerons œnologues décrit ci-haut, il a réuni les gestionnaires du ministère pour les saluer. Jacques en a alors profité pour lui offrir une bouteille du vin blanc de l’Orpailleur dégusté à Bordeaux en lui résumant brièvement l’expérience vécue avec les vignerons œnologues français. Il a accepté avec plaisir et a ajouté à peu près ces mots : Je suis très fier de ce projet des vignobles québécois, c’est un peu comme un beau et long rêve! Je leur souhaite un vif succès!

Aujourd’hui et grâce notamment à l’apport de Charles-Henri, le souhait de monsieur Biron est devenu réalité. Enfin, les belles qualités d'humanisme de notre vigneron d'exception semblent s'être transmises au sein de la communauté vitivinicole québécoise! En effet, un nouveau viticulteur de la région de Sutton a vécu un drame familial récemment (mai 2021). Son enfant s'est blessé gravement, ce qui a pris tout son temps et son énergie. Les collègues-vignerons des environs, dont Charles-Henri, se sont alors mobilisés pour lui venir en aide, ce qui a permis de sauver sa récolte. 

Sabrage du vin mousseux, vignoble Cep d'Argent, Magog


Les cinq vignerons pionniers qui ont participé au projet pilote de 1982 et 1983
sont:

Vignoble Angel, St-Bernard-de-Lacolle, (fermé)

Vignoble Domaine des Côtes d’ardoise, Dunham

Vignoble de l’Orpailleur, Dunham

Vignoble de St-Alexandre (M. Agarla), Saint-Alexandre (fermé)

Vignoble La Vitacée, Sainte-Barbe (fermé)

Quelques adresses utiles :

Conseil des vins du Québec : https://vinsduquebec.com/trouver-un-vignoble/ ;

Association des microbrasseries du Québec : https://ambq.ca/carte-interactive ;

Où manger à Dunham:

Bistrot Le Tire-bouchon, Vignoble de l’Orpailleur, 1086 route 202, Dunham (heure du midi)

Bistrot Bodega, 3698 rue Principale, Dunham

P.S. : Le magazine Vins & Vignobles a publié la grande majorité de cet article en 2015.