lundi 4 mars 2019

Bordeaux, perle de l'Aquitaine (en rediffusion)

La Cité du vin, Bordeaux

Notre voyage vinicole consiste à revoir la très belle ville de Bordeaux et la route des vins du Médoc. Nous désirons également découvrir la rive droite de la Dordogne et sa route des vins de Saint-Émilion jusqu’à Blaye.  Notre périple se termine à Biarritz, ville balnéaire huppée de la côte Atlantique. Bordeaux constitue certainement l’une des plus belles villes de France et peut aussi être qualifiée,  à juste titre, de la capitale française du vin.  La région regroupe plus de 8 000 domaines et châteaux répartis sur 60 appellations d’origine et produisant 5 millions hl sur 112 000 ha. Nous avons été charmés par son nouveau lieu culturel vinicole Cité du Vin qui célébrait sa première année d’existence en juin 2017.

La Cité du vin
La Cité du vin a été lancée en juin 2016 dans le quartier des Bassins à flot (Garonne) grâce au financement de nombreux partenaires et mécènes des secteurs public et privé. La Fondation pour la culture et les civilisations du vin en assure maintenant l’exploitation. Le très réputé architecte canadien Frank Gehry qui a conçu en l’occurrence le musée Guggenheim de Bilbao en  Espagne, a aussi signé les plans de cette œuvre architecturale monumentale des plus évocatrices. Au rez-de-chaussée, le visiteur a accès à une boutique commerciale, une cave à vin regroupant des vins de l’ensemble de la planète vinicole, y compris certains vins du Canada et notamment deux vins du vignoble québécois L’Orpailleur de Dunham  (son rouge et le blanc Cuvée Natashquan). Le premier étage de La Cité est consacré aux ateliers de dégustation thématique, aux activités culturelles et aux événements temporaires. Lors de notre visite, nous avons pu voir l’exposition temporaire « Bistrot! De Beaudelaire à Picasso » regroupant une centaine d’œuvres d’artistes de cette époque et entre autres de Toulouse-Lautrec.

Buffet des sens, Le parcours permanent,
La Cité du vin, Bordeaux
Le deuxième étage est réservé à l’événement phare de la Cité nommé « Le parcours permanent ». Ce parcours très captivant reflète essentiellement l’art de vivre du vin. Il est composé de dix-neuf espaces culturels englobant différents thèmes sur le vin dont un tour du monde des vignobles, une table des terroirs, un portrait sur les vins englobant entre autres le vin de glace canadien ainsi qu’un buffet des sens où le participant est invité à sentir différents arômes contenus dans le vin. Si le visiteur en ressort vraiment enrichi sur une pléiade d’informations et de faits historiques reliés au vin, il aura surtout vécu une expérience immersive et sensorielle extraordinaire et inoubliable. La visite de La Cité se termine au belvédère du huitième étage qui  offre une vue imprenable sur Bordeaux et sur le pont levant Jacques Chaban-Delmas traversant  la Gironde, le tout en dégustant un verre de vin de votre choix. La Cité du vin affiche des résultats mirobolants pour sa première année d’exploitation avec 425 000 visiteurs.

La route des vins du Médoc
Tout bon amateur de vins se doit de visiter au moins une fois dans sa vie la route vinicole des châteaux du Médoc, une des plus belles au monde. Cette route serpente le Médoc en grande partie sur la D-9, sur une soixantaine de kilomètres. Elle débute à Blanquefort et se termine au nord de Saint-Estèphe en passant par les villages pittoresques de Margaux, de Saint-Julien et de Pauillac. Si l’appellation Pauillac regroupe le plus grand nombre de châteaux classés 1er Grand Cru en 1855 (trois 1er Grands Crus classés dont Mouton Rothschild promu au premier rang en 1973), Margaux arrive en tête quant au nombre total de châteaux classés Grands Crus (21). La plupart des châteaux valent le détour. Nos préférés visuellement parlant parmi les châteaux classés, sont Margaux, Palmer, Issan et Kirwan dans l’appellation Margaux; Gruaud Larose et Beychevelle (Beychevelle signifie Baisser la voile en gascon) dans le très joli village de Saint-Julien; Mouton Rothschild et Pichon Longueville (comte et comtesse) à Pauillac et enfin le Cos D’Estournel à Saint-Estèphe. Parmi les châteaux non classés en 1855, nous avons aimé Siran à Margaux, Fourcas Hosten à Listrac et Chasse Spleen à Moulis en Médoc.

Château Fourcas Hosten, 
Listrac
À Listrac, nous avons visité le Château Fourcas Hosten. Nous avons eu un coup de cœur pour son vin millésimé  2007 et son deuxième vin Les Cèdres d’Hosten 2009. Ces deux vins présentaient de belles notes fruitées, beaucoup de finesse avec des tanins doux.
 
Château LaroseTrintaudon, 
Saint-Laurent de Médoc
En continuant notre route, nous nous arrêtons, sans rendez-vous, au Château Larose-Trintaudon (vin disponible à la SAQ) situé entre Margaux et Pauillac. Ce château est l’un de nos vins fétiches depuis que nous l’avons découvert au début des années 1980. Madame Céline Bonnet, responsable de l’accueil, nous a reçus de façon très chaleureuse. Nous avons dégusté les trois vins de la maison : Château Larose-Trintaudon, Château Larose Perganson et enfin le Château Arnaud, trois vins du Haut-Médoc et dont les deux premiers sont classés crus bourgeois. Nous avons beaucoup aimé ces vins et particulièrement le dernier. En effet, les deux Larose affichaient beaucoup de classe avec un beau fruité et des notes complexes et épicées. Château Arnaud se démarquait pour sa part par ses notes exotiques. Trois très beaux vins.

La rive droite de la Dordogne
La table principale du petit-déjeuner située dans la vieille
 chapelle, Château de La Vieille Chapelle, Lugon
Ayant déjà visité la région de Bordeaux à quelques reprises dans le passé, nous voulions en apprendre davantage sur les vins de la rive droite de la Dordogne. Nous avons ainsi réservé une chambre d’hôte au Château de la Vieille Chapelle (les dépendances de la chapelle romane Notre-Dame datant du 12ième siècle), charmant gîte-vignoble sur le bord de la Dordogne à Lugon-et-l’Île-du-Carney. Ce joli village viticole est situé à mi-chemin entre Saint-Émilion et Bourg (de 15 à 20 minutes et à une demi-heure de Blaye et de Bordeaux en voiture). Chaque soir, notre hôte monsieur Frédéric Mallier offre à sa clientèle une dégustation commentée de ses vins pendant que son épouse madame Fabienne Mallier fait mijoter pour les convives de savoureux plats de son cru à partir d’aliments frais du marché.
 
Nous avons aimé le blanc Tradition et le rouge Réserve de la Vieille Chapelle, son Grand rosé et son merlot de Beaudet. Les gels du printemps 2017 ont été désastreux pour ce vignoble de 8 hectares (et pour plusieurs autres vignobles bordelais) qui a perdu plus de 75% de sa récolte. Ce vignoble est en agriculture biologique et est représenté au Québec par l’agence promotionnelle Les vieux garçons.

Jacques en face du Château Petrus, Pomerol
Nous amorçons notre tournée de ce coin de pays de la Dordogne par le libournais. Nous y visitons d’abord Pomerol et la route de ses châteaux prestigieux comme Pétrus, L’Évangile, Le Pin, Lafleur, Certan de May et La Conseillante. Malheureusement, ces châteaux n’étaient pas ouverts au public pour une visite et une dégustation sans rendez-vous. Pomerol ressemblait davantage à un village fantôme plutôt qu’à un village vinicole couru par une clientèle avide de grands vins. À l’inverse, Saint-Émilion était envahi par une foule très dense en ce dimanche de canicule. Nous avons dû stationner la voiture à près d’un kilomètre du village. Saint-Émilion constitue à juste titre l’un des plus beaux villages de France et est classé au sein du patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce village médiéval de 2 000 habitants attire plus d’un million de touristes par année. On peut y déambuler dans ses rues pentues et étroites pour y admirer ses places publiques, son église monolithe, son ermitage sous la chapelle de la Trinité et surtout ses nombreuses boutiques offrant des produits du terroir et des dégustations sur place. Les vins que nous avons le plus appréciés dans ces boutiques sont ceux du phénomène  M. Jean-Luc Thunevin et de son épouse Murielle Andraud.  Nous avons adoré son Château Valandraud, 1er Grand Cru classé depuis 2012. De plus, le Virginie de Valandraud 2013 et le Clos Badon 2014, deux vins de l’appellation Saint-Émilion Grand cru, le Château du Beau-Père 2014, en appellation Pomerol, nous ont aussi fortement impressionnés par leur concentration et leur finesse. Avant de quitter ce beau village, nous avons aussi fait provision du bloc de foie gras de canard exceptionnel de la famille Gouzilh.

La devanture d'un bar à vin,
 Saint-Émilion
Pour la petite histoire, rappelons que monsieur Jean-Luc Thunevin, Français d’origine algérienne et grand amateur de vins, a d’abord exploité un modeste dépanneur vendant du vin et ensuite un bar à vins à Saint-Émilion. Il a aussi tenté sa chance comme négociant de vins. Sans formation en œnologie, ses amis mentors Jacques Luxey, journaliste vinicole, et Alain Vauthier de Château Ausone, lui ont tout appris sur le vin. Après maintes dégustations et notamment du vin du Château Le Pin, Pomerol, qui l’a beaucoup impressionné, il a acheté en 1989 une  petite parcelle de 0,6 hectare de vignes à Val de Fongaban. Avec des soins très méticuleux apportés à la vigne (taille, effeuillage et vendanges vertes visant un faible rendement) et à la vinification (micro-cuvées avec pigeage et bâtonnage sur lies comme cela se pratique en Bourgogne), il réalise sa première récolte en 1991 et crée, en 1992, le Château Valandraud. Ce nom provient de la fusion de val et du nom de famille de son épouse. Il recourt aux services d’œnologues réputés dont Michel Rolland. Il est alors remarqué par le célèbre chroniqueur vinicole Robert Parker qui lui alloue des notes quasi-parfaites pour son vin Valandraud. Parker le surnomme le « Bad Boy » de Saint-Émilion. Ainsi est née la fameuse appellation non contrôlée de « vin de garage »! Nous avons visité le "garage" servant de modeste cuverie où il élaborait ses premiers vins à Saint-Émilion au début des années 1990!

Continuant notre ballade sur la rive droite de la Dordogne, nous avons beaucoup aimé la ville de Libourne et sa Place Royale, son église Saint-Jean, son pont de pierre, sa fête de la musique et ses rues commerçantes animées. Dans la commune La Rivière, au pays du fronsadais (Fronsac), le château vinicole La Rivière et ses jardins avec vue sur la Dordogne, sont impressionnants. À quelques minutes de Libourne sur la rive gauche de la Dordogne, le Château forteresse de Vayres, datant du Moyen Âge, et ses jardins sont aussi remarquables. Bourg et son château citadelle sont dignes de mention ainsi que Blaye et sa citadelle de Vauban. Bourg en latin (et en langue gasconne) signifie fort ou forteresse. Mentionnons que la Citadelle de Vauban fait partie du Patrimoine mondial de l’UNESCO et constitue, avec ses remparts, l’un des éléments du « Verrou » : ensemble de trois forteresses composé de Fort Pâté et de Fort Médoc érigés sur la Gironde au 17ième siècle sous Louis XIV, pour protéger la grande ville de Bordeaux contre les ennemis potentiellement envahisseurs.

Maison troglodytique, Gauriac
De plus, il ne faut pas rater les maisons troglodytiques datant de la période gallo-romaine et toujours habitées à Gauriac, en bordure de la Dordogne entre Bourg et Blaye.
En matière vinicole, Blaye fait partie des vins Côtes de Bordeaux (Blaye Côtes de Bordeaux), tout comme les vins de Francs, de Castillon, de Cadillac au sud de Bordeaux et enfin de Sainte-Foy qui a joint les Côtes de Bordeaux en 2016. Selon madame Aurélie Lascourgières, chargée des relations de presse à l’Union des Côtes de Bordeaux, ces différentes appellations de Côtes de Bordeaux sont certes éloignées l’une de l’autre géographiquement mais elles partagent plusieurs points en commun dont des vignobles situés en coteaux et à proximité de cours d’eau. Également, leurs caractéristiques organoleptiques ont certaines similitudes : vins de structure, élégants, ronds et gourmands. Enfin, l’Union et ses membres ont une vision collective axée sur la créativité et le partage pour le développement et la commercialisation de leurs vins. Ceux-ci se démarquent des vins de l’appellation générique Bordeaux en termes de rendement et de vieillissement. Ils peuvent ainsi se comparer aux Bordeaux supérieurs mais avec des vignes plantées en coteaux. L’Union des Côtes de Bordeaux veut également se distinguer des autres vins de Bordeaux en s’identifiant comme les « Bordeaux Côtes & Cœur ».

Parmi les vins dégustés sur la rive droite de la Dordogne, nous avons eu un réel coup de cœur pour ceux du Château Cailleteau Bergeron et notamment son rouge Ox 2014, un très beau vin complexe aux tanins structurants mais non agressifs. Nous avons aussi fait une belle découverte avec les vins de la coopérative Les Vignerons de Tutiac qui regroupe 450 producteurs passionnés dans les appellations Bordeaux, Blaye et Côtes de Bourg  et entre autres le malbec Lieu-dit Ter Pointe 2015 (Côtes de Bourg). Également, les vins du groupe familial Vignobles Bayle-Carreau étaient gourmands et jouissifs : le Crémant Bayle-Carreau rosé Brut et le rouge du Château Eyquem 2012 (Côtes de Bourg) nous ont conquis. Le nom de ce château rend hommage à Michel Eyquem de Montaigne dont la famille a déjà résidé au château. Celui-ci est situé au confluent des rivières Dordogne et Garonne et le belvédère à partir de ce vignoble est saisissant.

Vinexpo
Nous avons profité de notre semaine dans la région de Bordeaux pour revoir à nouveau le salon Vinexpo. Notre dernière visite remonte à 1995 alors que les vins de la Californie faisaient un tabac publicitaire en accaparant plus du quart de l’espace de ce salon-exposition reconnu comme le plus important au monde. En même temps, les vins de glace canadiens faisaient parler d’eux en remportant plusieurs prix et médailles à Vinexpo. Si le volet vinitech (équipements et machineries vinicoles) a depuis disparu de Vinexpo, l’événement est encore plus imposant qu’à l’époque. Il attire plus de 2 300 exposants d’une quarantaine de pays et quelque 45 000 visiteurs reliés au vin.

Suzanne et Jacques en compagnie de 
M. Bernard Magrez, Vinexpo, Bordeaux
Nous y avons rencontrés quelques viticulteurs connus dont messieurs Bernard Magrez du Château Pape Clément, Alvaro Palacios de la vinerie du même nom, Cristopher Cannan du Clos Figueras et Miguel Torres fils des vins Miguel Torres. Inutile de mentionner ici que leurs vins offerts en dégustation étaient tous délectables sans exception. Également, quelques vins se démarquaient vraiment parmi les vins que nous avons dégustés à Vinexpo. Château Renom qui a été vendu en 2014 à un investisseur chinois, nous a tout à fait séduits avec son rouge 2015 et le Blanc liquoreux 2015 et 2016, en appellation Cadillac (Côtes de Bordeaux pour le rouge). Des vins de haut calibre. Aussi, Champagne Dauby, propriétaire récoltant à AY, nous a vraiment charmés avec ses champagnes Blanc de noir 1er cru, Réserve 1er cru, Guy Dauby Grand cru et son millésimé 2010 : tous affichaient caractère, fraîcheur, élégance et équilibre. Madame Flore Dauby nous a confié qu’elle aimerait beaucoup commercialiser ses vins au Québec. Nous ne pouvons que souhaiter que ce désir se réalise un jour afin de nous permettre de déguster au Québec ses vins d’une grande classe.

Sauternes et Biarritz
Les jardins de Château Yquem, Sauternes
En direction de Biarritz, nous faisons une brève halte à Sauternes, village atypique du bordelais avec ses paysages aux multiples vallons verdoyants et surtout son illustre château Yquem. Même si nous n’avons pas pu déguster ses vins, nous avons pu nous promener dans le vignoble et dans ses jardins magnifiques. Nous nous sommes néanmoins repris en dégustant les vins de son noble voisin, Château Guiraud, 1er Grand cru classé.  Nous avons beaucoup aimé le 2ième vin Petit Guiraud 2013 et le Château Guiraud, millésime 2010, était grandiose. Ampleur, profondeur, finesse, élégance, équilibre et longueur en bouche résument les qualités de ce très grand vin sauternais.

Si Bordeaux peut être qualifiée de la perle de l'Aquitaine, Biarritz constitue une place balnéaire de choix pour les touristes avec sa grande plage, la pratique du surf, sa côte fleurie du centre-ville, son rocher de la Vierge, son phare et l’excellence de sa cuisine basque. Si vous disposez de quelques heures, le village voisin de Saint-Jean-de-Luz vaut le détour pour la beauté naturelle de ses plages et de ses côtes.

Où manger :
-       Restaurant Chez Carles, Lugon
-       Le bistrot d’Aurélie, Bordeaux
-       Brasserie l’Orient, Libourne
-       Bistrot Les Coulisses, Biarritz

Où dormir (au milieu des vignes):
-        Château de la Vieille Chapelle, Lugon-et-Ile-du-Carney

P.S.: Le magazine Vins & Vignobles a publié cet article dans sa quasi-intégralité en 2017.