lundi 28 septembre 2020

Une croisière vinicole en Europe, un rêve devenu réalité (en rediffusion)


Suzanne devant le bateau de croisière Infinity de Celebrity Cruise, Port de Harvich, Angleterre

En temps de pandémie de la Covid, nous croyons utile de republier cet article déjà publié en 2013. Ayant parcouru plusieurs routes du vin et visité ainsi bon nombre de vignobles en Amérique et en Europe au cours des dernières années, nous désirions tenter l’expérience d’une croisière sur le vin. Nous pensions d’abord à une croisière fluviale comme celle sur le Rhin ou sur le Douro. La lettre de voyage Online Vacation à laquelle nous sommes abonnés depuis plusieurs années, nous a proposé la croisière Wine Immersive Cruise de Celebrity Cruise

Itinéraire 

Cette croisière de 12 jours se déroule durant le temps des vendanges en Europe. Elle débute à Londres (Port de Harwich), Angleterre, et fait escale, durant deux jours, à Le Havre en Normandie, La Rochelle-Bordeaux en France et Bilbao au pays basque espagnol. Elle s’arrête également une journée à Vigo, en Galice espagnole, et enfin à Porto, Portugal.  De plus, elle est agrémentée d’une série de dégustations de vins sur le navire. Nous y ajoutons un séjour d’une semaine en Angleterre, soit trois jours dans la merveilleuse région des Cotswolds et quatre jours au Pays de Galles, pays de l’ancêtre paternel de Suzanne (voir l'article "Deux trésors cachés en Angleterre, les Cotswolds et le Pays de Galles" publié sur le présent blogue). Nous profiterons également de notre halte à La Rochelle-Bordeaux pour renouer avec le pays de l’ancêtre maternel de Jacques, la Charente en France. 

Dès notre embarquement sur le navire Infinity, nous rencontrons quelques Québécois amateurs de vins. Nous sommes d’ailleurs plusieurs amateurs de vins sur le bateau puisque celui-ci peut accueillir plus de 2 000 passagers et affiche complet.

Première escale : Le Havre, Normandie 

Quartier du Vieux Bassin, Honfleur, France
Cette ville a été détruite en partie lors de la dernière guerre mondiale puis reconstruite par la suite à l’américaine. Son port est très joli avec son bras de mer qui pénètre dans la ville. On visite le quartier Saint-François et son musée de l’Armateur. Nous assistons à un spectacle folklorique breton dans le cadre de la Fête de la Mer.  Sa voisine Honfleur mérite le détour avec son quartier du Vieux Bassin, ses vieux édifices médiévaux en colombage et en ardoise et son église Sainte-Catherine du 15ème siècle.  Avons aimé le marché public de la Place Sainte-Catherine et y avons dégusté quelques pommeaux de Normandie, cidres et calvados dont un du Pays d’Auge âgé de 15 ans et distillé dans un alambic à repasse (double distillation), un pur délice! 

Deuxième escale : La Rochelle – Bordeaux 

Suzanne au Vieux-Port de La Rochelle, France
Les vignobles de Bordeaux étant situés à quelque deux heures de route du port de La Rochelle, les tarifs des excursions vinicoles varient de 100$ à 400$ par personne. Nous avons préféré louer une voiture et visiter le pays ancestral de la Charente. Nous notons d’abord, au Vieux-Port de La Rochelle, que le drapeau du Québec flotte à l’une des trois tours de la Place des Francofolies. Nous prenons la route vers la très belle ville de Saintes avec ses maisons pittoresques construites en pierres de Saintonge et son Abbaye des Dames. 


Jacques dans les vignes à Chérac, Cognac, France
Puis direction vers Cognac, arrêt à la Maison Charbonneau, du lieu-dit Chez Piché à Chérac, commune de la région de Cognac. Nous découvrons que son propriétaire Jean-Claude Charbonneau pourrait être un arrière-arrière… petit-cousin français-charentais de Jacques! Marchons dans son vignoble où il pratique une culture traditionnelle et raisonnée, avec buttage et débuttage de ses vignes comme cela se pratique au Québec. Cette technique viticole n’a toutefois pas pour but de protéger les vignes du gel comme au Québec mais plutôt de favoriser le ruissellement de l’eau de pluie dans les rangs de vigne. En effet, le débuttage permet de garder l’eau de pluie près des vignes dans le but d’humidifier leurs racines. La famille Charbonneau a acquis le vignoble de 20 hectares en 1890 et l’exploite depuis quatre générations. Le Bureau National Interprofessionnel du Cognac a autorisé un rendement de 11,6 hectolitres par hectare en 2013 (varie d’une année à l’autre). 

Alambic et cuverie, Maison Charbonneau,
Chérac, Cognac, France
Après avoir déambulé dans le vignoble et visité l’établissement dont l’alambic charentais à double distillation, nous passons à l’étape la plus intéressante de la visite, la dégustation.  Dégustons d’abord les trois pineaux de Charente de la maison, un blanc, un rosé et un âgé de 6 ans. Les trois sont vraiment délicieux. Suivent trois cognacs d’appellation Borderies : le VSOP âgé de 6 ans, une très belle entrée en matière pour la suite des choses! Nous adorons le Napoléon âgé de 15 ans où nous détectons des notes florales et beaucoup de finesse et de rondeur. Enfin le XO de 30 ans d’âge, un équilibre quasi-parfait entre finesse-suavité et longueur en bouche, le nec plus ultra de cette dégustation mémorable! Maison Charbonneau écoule 90% de sa production auprès de la maison Hennessy et le reste à la propriété. Malgré les risques commerciaux que peut représenter une telle concentration de marchés, ils ne désirent pas développer de nouveaux marchés, ni de nouveaux produits d’ailleurs. La production actuelle du vignoble et la charge des chambres d’hôte sous la gouverne de madame Charbonneau, prennent tout leur temps.  Lors de notre passage, un groupe d’Anglais résidant dans la région et venant acheter pineau et cognac, nous a mentionné adoré leurs produits. Madame Charbonneau nous a souligné que plusieurs Anglais avaient acheté des propriétés immobilières dans la région de Cognac au cours des dernières années et qu’ils étaient devenus de très bons et fidèles clients. 

Petite anecdote technique quelque peu surprenante : autant en Normandie où l’on élabore le Pommeau qu’à Cognac où l’on élève le Pineau des Charentes, les quatre producteurs, ou cavistes, que nous avons rencontrés dans ces deux régions ne considèrent pas ces produits comme une mistelle! Ils ont tous été surpris d’apprendre que le Québec s’était inspiré des anciennes lois françaises pour nommer un tel produit (mistelle : moût muté avec de l’eau-de-vie ou de l’alcool) lors de la réforme législative québécoise de 1984 concernant la production artisanale de boissons alcooliques, réforme à laquelle Jacques a collaboré à l’époque. Pour eux, il s’agit d’un cidre ou d’un vin muté ou encore d’un cidre ou d’un vin apéritif. 

Troisième et quatrième escales : Bilbao et Vigo, Espagne 

Musée Guggenheim, Bilbao, Espagne
Nous avons eu un coup de coeur véritable pour la superbe ville d’art de Bilbao, au pays basque espagnol. Tout est très joli, ses édifices, sa cathédrale, ses nombreuses sculptures  et particulièrement son magnifique musée Guggenheim. L’architecture de ce musée fait ressortir le génie humain espagnol en ce qui a trait à l’équilibre et la transparence du bâtiment. On a parfois l’impression que la bâtisse, très imposante et audacieuse, dont une partie prend la forme d’un bateau, flotte dans les airs (ou sur la mer)! Une réplique de ce musée peut être visitée à New York. Les ronds-points des rues de Bilbao sont de véritables parcs-jardins publics, particulièrement celui  de l’incontournable Plaza Moyua. Nous avons dégusté le vin local Txakoli de Itxasmendi, un vin blanc très vif et acidulé, à l’unique Plaza Nueva, à voir absolument! 

Suzanne sous les vignes, Pazo A Capitana Cellars, Cambados, Espagne

À Vigo, en Galice espagnole, nous sommes allés au vignoble familial Pazo A Capitana Cellars de la région Rias Baixas. Ce vignoble présente la particularité d’avoir des vignes qui sont taillées en pergolas (en hauteur sur « parrales »  ou support de vigne); le feuillage s’élève à quelque deux mètres au-dessus du sol. Cette technique viticole vise à éclaircir le feuillage de la vigne afin de lui permettre de sécher plus rapidement car la pluie est abondante en Galice. Certains producteurs vont même jusqu’à cultiver leur potager sous les vignes au feuillage dégagé! Par ailleurs, il est courant dans cette région de planter, pèle-mêle dans un même champ, des rangs de vignes, des rangs de maïs et des rangs de légumes! 

Exemple d'une orios dans un village de pêcheurs,
région de Galice, Espagne
En outre, tout comme dans plusieurs villages d’agriculteurs et de pêcheurs de la région, ce vignoble abrite une « orios », espèce de petite chapelle construite sur pilotis au cours des siècles passés, servant à protéger la population contre les démons et les mauvais esprits. Certaines de celles-ci pouvaient aussi être utilisées pour entreposer des légumes ou faire sécher le poisson. Le vin blanc du cépage Albarina de ce vignoble était délicieux. C’est un vin vif, fruité, fin avec un parfum et un goût de pomme verte qui nous a rappelé certains vins québécois élaborés avec le cépage Seyval. Le vin Rias Baixas Albarina a obtenu sa dénomination d’origine (D.O.) en 2006.



Cinquième escale : Porto

La Ville de Porto vue de Villa de Gaïa, Portugal
Porto, quelle belle ville! Elle est blottie sur la rive droite du fleuve Douro, en face de sa jumelle de l’autre côté du rivage, Villa de Gaïa. Cette dernière regroupe la quasi-totalité des maisons de vins de Porto. Lors de notre excursion des caves de la maison Ferreira, nous avons appris que sa propriétaire fondatrice, Dona Antonia, a vécu au 19ième siècle et était reconnue comme grande mécène à Porto. Elle et tous les autres négociants de Porto de l’époque furent cependant confrontés à l’appétit trop gourmand de l’évêché de Porto. Il leur demandait de très fortes redevances en dîmes et en taxes! Ils ont donc été contraints de déménager leurs opérations sur la rive gauche du Douro, à Villa de Gaïa. La taille de certaines barriques dans lesquelles vieillit le porto Tawny de Ferreira est impressionnante, ces barriques peuvent contenir jusqu’à 22 000 hectolitres de vin. Nous avons dégusté le Tawny Ferreira et le Dona Antonia Reserva, deux très bons portos.

Dégustation de vins du Priorat à bord


Vins du Priorat dégustés sur le navire
Plusieurs dégustations de vin étaient offertes sur le navire.  Certaines dégustations étaient accompagnées de bouchées dînatoires, d’un service de fromages ou encore d’un dîner gastronomique. Une de celles-ci comprenait les vins du Clos Figueras, propriété de 18 hectares de la dénomination du Priorat en Espagne.  Les millésimes 2001 et 2005 de ce clos ont été cotés 96 par le réputé Robert Parker. M. Christopher Cannan, un anglais reconnu comme une sommité internationale en matière vinicole, fondateur de la firme de négoce Europvin en France et propriétaire du Clos de Figueras, animait cette dégustation regroupant une centaine de dégustateurs. 

Nous amorçons la dégustation avec le vin Font de la Figuera Blanco 2012, un blanc sec composé en grande majorité de viognier. Il est agréable, fruité, fin et tout à fait délectable. Suit le vin Serras del Priorat 2012, un rouge regroupant majoritairement le cépage grenache et aussi du carignan, du cabernet sauvignon et de la syrah. Ce vin de la famille Figueras est vieilli 8 mois en fûts de chêne français et  nous est apparu fermé dû à sa jeunesse. Puis, nous dégustons le vin Font de la Figuera Tinto 2010, un rouge élaboré principalement de grenache et vieilli douze mois en fût. Il est plein, charmeur et nous a beaucoup plu. Passons au vin Clos Figueras, un rouge haut de gamme élaboré avec les cépages grenache et carignan dont les vignes sont âgées de plus de 60 ans, complété par de la syrah, du mourvèdre et du cabernet sauvignon. Il est vieilli treize mois en fûts et de 16 à 20 mois en bouteilles. Quel beau vin, puissance, profondeur, concentration et élégance sont réunies dans ce grand vin vendu à la SAQ Signature. Enfin, M. Cannan qui exploite  son vignoble près du village de Grattallops et du réputé vignoble Clos Mogador de René Barbier, un ami,  nous a proposé de déguster ce grand cru. Nous étions en présence d’un très grand vin, opulent, très tannique, avec des notes animales. Le couple de Californiens assis à notre table l’ont jugé « great and very strong ». Ce vin aurait mérité d’être mis en carafe quelques heures avant la dégustation.

Vue sous les vignes taillées en pergolas, Paso A Capitana Cellars, Campados, Espagne

Nous avons beaucoup aimé notre croisière vinicole et aimerions en faire une fluviale dans les prochaines années.

P.S. : Le magazine Vins & Vignobles a publié de façon quasi-intégrale cet article en 2013 regroupé avec celui sur l'Angleterre : Deux trésors cachés en Angleterre, les Cotswolds et le Pays de Galles Coups de Coeur Vinicoles: Deux trésors cachés en Angleterre, les Cotswolds et le Pays de Galles (en rediffusion) (cdcvinicoles.blogspot.com) .



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